La municipalité de Vassincourt se met en place
Ce sont les lois de l’Assemblée Nationale des 14 et 22 décembre 1789 qui créent les communes de France et fixent les modalités de fonctionnement de ces nouvelles structures.
Dorénavant, les membres et officiers municipaux seront élus par les citoyens actifs de la communauté. Dans son article 4, la loi du 14 décembre indique que le chef du corps municipal, porte le nom de maire. Le texte précise aussi les modalités d’élection des membres du corps municipal et des notables. Il décrit la composition du conseil général de la commune, fixe les responsabilités et explicite les modalités de fonctionnement du conseil.
Le maire est élu pour 2 ans tout comme le procureur. Dans une commune de moins de 500 âmes, comme celle de Vassincourt sous la Révolution, le corps municipal est composé de 3 membres, y compris le maire. Six notables, également élus, se joignent à ce corps municipal pour former le conseil général de la commune. Enfin, un secrétaire-greffier est nommé par le conseil.
Au début de l’année 1791, la nouvelle commune de Vassincourt a moins de deux ans d’existence. Le maire Jean ELLOY et son conseil se rôdent aux responsabilités de la gestion de la communauté. Ils manquent probablement d’expérience. L’une des premières affaires que ce conseil va devoir traiter, concerne un litige avec la municipalité de Neuville-sur-Orne.
1791 – Les frontières communales, objet d’un litige avec Neuville-sur-Orne
Le 17 avril 1791, Jean ELLOY, le maire, et l’ensemble du Conseil Général de Vassincourt, interpellent les administrateurs du Département de la Meuse, à propos du litige qui les oppose à la municipalité de Neuville, sur la délimitation du territoire des deux communes.
Le conflit perdure. C’est un terrain de 300 à 350 « jours » (1), soit une surface de l’ordre de 100 à 150 hectares, qui est au centre du conflit. Situé sur la rive gauche de l’Ornain, rivière qui coule entre les deux villages, ce terrain serait utilisé par les habitants de Neuville sur Orne sans qu’ils aient le moindre droit de propriété. C’est ce même terrain qui est revendiqué par les habitants de Vassincourt.
Dans sa délibération, le conseil général de Vassincourt fait remarquer qu’il n’y a pas, à cette époque, de pont sur l’Ornain pour accéder directement au terrain situé côté « Vassincourt » de la rivière, ce qui rend l’accès très difficile pour les habitants de Neuville, situés sur l’autre rive. Par ailleurs, ce terrain est souvent inondé et, comme les élus le font remarquer, il constitue une enclave dans le territoire de la commune de Vassincourt. Dans son argumentaire, le conseil évoque l’extrême pauvreté du village et les difficultés que celui-ci pourrait avoir à recouvrer et payer les deniers de la contribution foncière de ce terrain si celui-ci n’était pas clairement restitué à l’usage de la commune de Vassincourt.
Dans sa délibération, le conseil municipal implore les administrateurs du département de rendre un jugement en leur faveur ou, à défaut, de nommer une tierce personne pour trancher le différend comme le préconise un décret de l’assemblée nationale.
Cette délibération est une des toutes premières rendue par le conseil municipal de Vassincourt. Le texte est transcrit ci-dessous.
La délibération de la municipalité du 17 avril 1791
Jusqu’à la révolution, les actes étaient rédigés, dans leur immense majorité, par les curés, les notaires ou d’autres personnes qui possédaient une réelle compétence en matière d’écriture. Avec la révolution et la démocratisation de la gestion des institutions, la rédaction, comme celle d’un registre de délibération, revient à des élus qui n’en n’ont pas toujours la pratique courante dans leur activité professionnelle.
Le texte transcris ci-dessous est celui qui nous a été laissé par le conseil général de Vassincourt dans les registres des délibérations. Il est daté du 17 avril 1791. A sa lecture, on se rend compte que l’orthographe, la grammaire et la syntaxe sont très approximatives. Le maire, les officier municipaux et les notables du village ne sont pas encore rodés à cette pratique de l’écriture.
Dans la transcription ci-dessous, l’orthographe, la grammaire et la syntaxe du rédacteur ont été strictement respectées. Les noms propres des personnes ont été transcrits en lettres majuscules.
Texte de la délibération de la municipalité de Vassincourt du 17 avril 1791 :
« Registre de la municipalité de Vassincourt
pour servir aux délibérations et autre affaire
de la commune dudit Vassincourt contenant seize
feuilles cotté et paraphé par nous Jean ELLOY maire de la
ditte municipalité cejourd’huy trois avril mil sept cent quatre
vingt onze
J ELLOY
A Messieurs. Messieurs les administrateurs du
Département de la meuse
Supplient tres humblement le Conseil Général de
la commune de Vassincourt Disant que depuis très
long tems ils sont en différens avec la commune
de Neuville sur Orne leurs voisins au sujet des
limites de leurs finages lequel differens consiste en
ce que les supplians ont une contrée contenant
trois cents à trois cents cinquante jours de terre ou environ
dans laquel la commune de Neuville ny a aucune
propriété et que nonobstant cette derniere prétend être
leur finage quoi que laditte contrée enclavée très
difformément dans le territoire des suppliants c’est
ce qu’ils fonts voir dans le plan qu’ils ont l’honneur
de presenter. Les suppliants ont admirés avec plaisir
un decret de l’assemblée Nationale . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . qui dit que lorsqu’il y aura des
difficultés entre les communes au sujet des limites
de leurs finages que les deux municipalités concerterons
ensemble et que lors qu’elles ne saccorderons pas qu’il y
aura une tierce pour rompre les difficultés
Mais la commune de Vassincourt qui a toujours
été prudente et ne veut encore y manquer, ne veut
…
encore y manquer ne veut sen rapporter qu’à
une décision tel qui jugerons convenable M M les
administrateurs du département afin de les mettre
hors de tous procés des quelles il leurs serait
impossible de soutenir nétant pas en etat
rapport à leurs extreme pauvreté La consequence
de la difficulté n’a pas absolument Jenés les suppliants
que legerement mais la circonstance des déclarations
à faire et du recouvrement des denies pour la
contribution fonciere qui ne se pourra véritablement
faire qu’a grands frais par l’impossibilités
qu’il y aura de payer aux echéances des epôques
rapport à ce qu’il est impossible de pratiquer
Le village de Neuville tant par le debordement
des eaux que parce qu’il ny à point de pont
et quil faudrait donc prendre des détours de deux à
trois lieues, ce qui viendrait tres prejudiciable a la
pauvre commune de Vassincourt et peu profitable
à celle de Neuville Sur Orne
Cequi est dit à l’occasion de l’impossibilité
de pratiquer le village de Neuville n’est pas
momentané, car le plus souvent cest la moitié
de l’année à differentes epôques et surtout
lors que les eaux sont un peu forte
Les suppliants esperent que des faites des
Especes représentés à ces MM du Département
ne pourront etre Repondues qu’à leur faveur
…
Vu que cela ne peut etre en aucune manière
prejudiciable ala commune de Neuville et que
très profitable à celle de Vassincourt
Ce consideré MM il vous plaise vu les
exposés cy joints ordonner que le terrain reclamé
par les suppliants sera déclaré etre sur le
territoire de Vassincourt au désir du plan représenté
afin de faire une ligne droite entre les deux finages
vu que cela ne peut prejudicier ala commune de
Neuville Sur Orne et très profitable à la commune
de Vassincourt tant par l’impossibilité qu’il y à
le plus souvent et la plus grande partie du tems
de pratiquer le village de Neuville que par les grands
frais qu’il en courreray contre les habitants de Vassincourt
chargé de payer la contribution foncière au désir
des décrets de l’assemblée nationale aux epôques
voulus par lesdits décrets et d’ordonner ce que ces MM
jugeront le plus convenable pour éviter toutes
difficultés et sera grâce et justice
Délibéré à Vassincourt le Conseil Général étant
assemblé dans la sale ordinaire de ses seances
ce dix sept avril mil sept cent quatre vingt onze et ont
les officiers municipaux et nottable dudit Vassincourt signé J ELLOY maire
J CHAPPERON P LOMBARD C SAUDAX J NOEL LALANDE C BAILLOT»
(1) – Jours : dans ce texte, il s’agit d’une mesure de surface ancienne qui correspond à la surface labourée en une journée de travail. On trouve plus fréquemment le terme de « journal » pour cette ancienne unité de mesure
Sources :
– Archives Départementales de la Meuse – E dépôt 510 / 1
– Loi de l’Assemblée Nationale du 14 décembre 1789